jeudi 11 mars 2010

Saez vs. la publicité

En début de semaine, le chanteur français Damien Saez était sur le plateau de l'émission culturelle de France 3 "Ce soir (ou jamais!)" présenté par Frédéric Taddeï. Mini-événement pour les fans puisque Saez se prête difficilement au jeu de la promo. Surtout depuis qu'il a quitté sa major pour travailler en indépendant, "pour que ses chansons ne deviennent pas des sonneries de portables" (sic)...

Pourtant, alors que son nouvel album sort fin du mois, Saez n'était pas là pour se mettre en avant, lui et sa musique. L'auteur-compositeur-interprète - au gilet que n'aurait pas renié Kurt Cobain - était sur le plateau pour dénoncer la censure de la pochette de son album intitulé "J'accuse". Représentant une femme nue dans une caddie, les affiches promotionnelles du disque ont été censurées par la régie publicitaire chargée de diffuser la publicité dans les métros français. La photo présenterait une image dégradante de la femme. Plus étonnant, l'affiche, purement littéraire, qui a remplacé la photo initiale fut elle aussi interdite.


Les deux affiches censurées.

Lors de l'émission télévisée, Saez a expliqué que le but de sa pochette n'était évidemment pas de donner de la femme une image dégradante, mais bien de dénoncer la société de consommation où l'humain est une marchandise et dont le monde de la pub fait l'apologie. Ce qui semble assez clair, surtout avec le titre de l'album dans le coin droit de l'affiche... D'ailleurs, les avis donnés dans l'émission ont été assez unanimes sur la clarté du message de la photo. Nous vivons aujourd'hui dans un monde de l'image, bombardé en permanence de pubs, et où le public est parfaitement capable de "lire" correctement toute image qui lui est proposée.

Alors, pourquoi cette censure ? Et pourquoi censurer la deuxième affiche qui ne présente aucun message dégradant pour qui que ce soit? A cela, Saez répond simplement que sa pochette ne dérange pas tellement le public, mais surtout le monde de la publicité qui pourrait se sentir directement visé par la critique de Saez. La régie aurait donc préféré ménager la susceptibilité de ses autres clients (les grandes marques) en censurant un "petit" client un peu trop provocateur. Si l'argument fait un peu "théorie du complot" avec les "grands méchants publicitaires" face au "gentil petit artiste", il est difficile de ne pas y adhérer quand on sait que la deuxième affiche fut elle aussi censurée, alors qu'elle ne présente plus rien de dégradant pour qui que ce soit.

Saez profite-t-il de l'aubaine pour faire parler de lui et son nouvel album? Ou s'agit-il d'un artiste engagé et authentique qui pose un regard critique sur le monde actuel? Quelle que soit la réponse, derrière ce "scandale", se cache une question qui touche à l'essence même de la démocratie. Celle de la liberté d'expression face au pouvoir de censure que possèdent désormais de grands groupes industriels ou financiers, pour qui la société de consommation est la condition pour exister.

Pour conclure, je vous laisse avec un extrait de l'émission dont il a été question dans cet article. Un constat sur notre société, écrit et déclamé par Saez. Vous pourrez aussi retrouver des extraits plus longs du débat sur Youtube.

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